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« L’égoïsme, qui est visiblement inconciliable avec l’esprit d’association, n’a pas d’effet plus odieux que la froide réserve dégénérant en fausseté. Il importerait d’en avoir honte dès le principe. Ce sentiment, inspiré à propos par les parents, se fortifierait dans certaines occasions fournies par les jeux même, et la franchise une fois mise en honneur serait exigée mutuellement. J’ai eu le bonheur d’être écouté en cela dans plusieurs familles et je crois avoir obtenu plus que je n’avais espéré. Ces braves gens ont aussi ouvert les yeux sur l’inconvénient des mauvais traitements qu’à la vue des enfants on fait subir à tant d’animaux… »

Puis Sénancour a écrit : « Suite : Soyez bon, et que ce soit la raison qui vous y porte. Nous n’avons à étudier d’abord que des vérités indirectes. Quand chez un artiste quelques objets nous paraissent crayonnés habilement, ce n’est pas que le dessin les montre : il ne fait que les rappeler… Un autre art, celui qui peut tout, reproduit les images, différemment affaiblies, d’une réalité indubitable qu’il faut chercher toujours. Attachons-nous à quelques signes de cette vérité afin d’être en état de la comprendre plus pure ou plus énergique lorsqu’elle nous sera offerte ainsi dans d’autres journées de l’existence humaine (sans donner dans le système swedenborgien des « Correspondances », Sénancour adopte donc une conception symbolique de l’univers, qu’il a sans doute puisée chez Leibniz, constamment cité dès la première édition du livre de Y Amour). Nous ne pensons pas que notre existence individuelle ne soit que l’inutile agitation d’une poussière fortuitement rencontrée par le souffle de vie… La mission terrestre de l’homme se bornera sans doute à compenser les appétits de tous les êtres vivants privés de la parole. S’il peut obtenir quelque prépondérance en ne quittant pas le sol qu’il laboure, il ne saurait y prétendre dans l’étendue des mers… Quand notre industrie exigera des ressorts trop puissants ou trop expéditifs, elle succombera. Une tourmente décisive laissera plus sauvage l’aspect de nos plaines. (On voit que Sénancour, qui n’a jamais cru à la vertu intrinsèque des institutions quelles qu’elles fussent, n’a pas attendu du développement indéfini de l’industrialisme la réalisation d’un idéal humain, et l’avènement du règne de la raison sur la terre). Ou bien une nouvelle forme animale remplacera la nôtre. (Ici Sénancour subit la contagion des modes utopiques du temps), et caractérisera pour plusieurs