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et le plus de valeur Imaginative possible.

La 3e Rêverie de B se terminait par une analyse précise et sèche des moyens physiques par lesquels on peut se disposer à la rêverie, — et par une exhortation ù nous délier des sollicitudes sociales. Cette conclusion est effacée des éditions suivantes, dans la 7e Rêverie. Sénancour a voulu seulement conserver une belle page, un morceau soigné, dont chacun puisse faire son profit dans sa vie propre.

« Vous marchez doucement dans le sentier abandonné ; vous ne voulez y voir que la ronce qui se traîne sur ce sable devenu humide, ce filet d’eau qui s’échappe des débris d’une fontaine dont le temps n’a laissé subsister que ce qui passe sans cesse, et la caverne où se réfugièrent les proscrits, dont celle trace ancienne est le dernier monument........ Ainsi soumis à tout ce qui s’agite, ù tout ce qui change autour de nous, affectés par l’oiseau qui passe, par la pierre qui tombe, par le vent qui s’éloigne, modifiés accidentellement dans cet ordre toujours mobile, nous sommes ce que nous font le calme, l’ombre, le bruit d’un insecte, l’odeur d’une herbe (B, dans lequel ce développement se trouve déjà en bonne partie, comme la réplique poétique d’un morceau de psychologie métaphysique, disait « émanée d’une herbe » ), tout cet univers vivant qui végète ou se minéralise sous nos pieds : nous changeons avec ces formes instantanées, nous sommes mus par ce mouvement, nous vivons de celte vie générale. » — « Nous nous aimons nous-mêmes dans

« Vous suivez lentement un sentier abandonné. Vous n’apercevez que la ronce sur le sable, la caverne où se réfugièrent les proscrits dont cette trace est le dernier monument, et les gouttes d’eau qui s’échappent des débris d’une fontaine dont il semble que le temps n’ait laissé subsister que ce qui passe sans cesse… Livrés, selon l’ordre naturel, à ce qui change auluur de nous, dans cet ordre toujours mobile, nous sommes ce que nous font le calme, l’ombre, le bruit d’un insecte, l’odeur d’une herbe : nous partageons cette vie générale, et nous nous écoulons avec ces formes instantanées. Nous nous retrouvons nousmêmes dans ce qui agit, dans ce qui végète, dans l’attitude assurée d’un chamois, dans le port d’un cèdre dont les branches s’inclinent, afin de s’étendre avec plus de liberté, dans tout l’aspect du monde qui est plein d’oppositions parce qu’il est soumis à l’ordre, et qui s’altère pour se maintenir toujours ».