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ADRIEN MITHOUARD
notes d’un ami

Qu’un poète soit à la présidence du Conseil municipal parisien, c’est un fait considérable dans l’histoire des Lettres et de l’Administration ; que ce poète soit celui-là, j’estime que l’événement est très heureux.

Je voudrais dire pourquoi.

« Notes d’un ami. » Ces mots, sous le titre de cet article, ne sont pas pour mettre le lecteur en défiance ; au contraire, car, nous le savons bien tous, l’esprit voit plus loin et plus juste des hauteurs où la sympathie l’élève que des lieux bas où il se traîne avec l’indifférence. Ils avertissent, simplement, que ce n’est point, ici, une étude critique, à précisément dire. Du moins, l’auteur ne discutera pas les idées que l’actualité désigne à l’attention générale en les illustrant d’un visage honoré, parce que ce sont — avec des nuances sur lesquelles il n’y a pas lieu d’insister — les siennes aussi.

Balzac, selon le témoignage de Banville, voulait « que la littérature eût le pouvoir dans l’ordre des faits comme elle l’a dans l’ordre des idées » : et alors seulement ; concluait-il, nous serions aussi avancés que la Chine, où l’autorité politique des individus est proportionnée au degré de leur instruction.

Ni Banville ni Balzac n’avaient prévu qu’au lendemain de leur siècle la Chine serait en république. Il nous est impossible à nous-mêmes, contemporains de cette catastrophe, de prévoir et de calculer les ravages que le suffrage universel ne manquera pas de causer dans le naguère céleste empire. Il est probable que là-bas comme chez nous les traditions les plus augustes seront bafouées, le niveau intellectuel baissera, la politesse et la douceur s’évanouiront, tandis que la boxe et l’esperanto seront à la mode, et les femmes abdiqueront leurs droits à la maternité (abdication peut-être opportune, en dé-