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Elle toussait, elle avait des frissons ; à peine si elle pouvait se tenir debout.

Elle n’en continuait pas moins à vouloir s’obstiner à faire le ménage, il fallut que la petite Marie la forçât à se coucher. Et Adèle ayant fini par lui obéir, parce que la petite, quand elle le voulait, avait sa tête, elle écoutait de dedans son lit le claquement des socques à semelles de bois aller et venir dans la maison, se disant : « Quelle douce chose c’est quand même que d’avoir une enfant soumise et travailleuse ! » Quelquefois, les pas s’éloignaient sur le sentier déjà sec et durci ; ce n’était jamais pour longtemps.

Le seau grinçait sur l’espèce de pierre carrée où on le déposait, à côté du foyer ; et une voix venait qui disait :

— Maman, je suis là, as-tu besoin de quelque chose ?

Non, elle n’avait besoin de rien.

— Eh bien, écoute, je vais vite donner à manger à la chèvre, et puis je reviendrai vers toi.

Un grand soleil brillait toujours. Pourtant, Adèle n’allait pas mieux ; même elle toussait toujours davantage, et une mauvaise toux creuse qui n’arrivait pas à mûrir.

Un matin donc, Marie lui dit :

— Ça ne peut pas continuer ainsi. Si tu ne te soignes pas, tu ne guériras jamais. Je vais descendre au village. Tu sais, ces tisanes que prépare la vieille Christine, il n’y a rien de meilleur pour la toux !… Elles font transpirer, je lui en demanderai un cornet.

— Non, dit Adèle, non, je ne veux pas.

Mais la petite hochait la tête : « Si ! disait-elle, il faut. » Et déjà elle avait été prendre son béguin de laine tricotée et un tablier propre, qu’elle mit.

Et vainement, à présent, Adèle recommençait : « Non, s’il te plaît, Marie, tu sais comme les gens ont été méchants avec nous, et le chemin est trop long pour toi ; je me tirerai bien d’affaire sans remède, il faut seulement savoir patienter. » Vainement se défendait-elle, Marie savait ce qu’elle avait à faire. Elle apporta un pot de lait qu’elle posa sur une table près du lit, avec un morceau de pain et une tasse, puis embrassant sa mère

— Adieu, maman, je serai de retour avant la nuit. Et, tu verras, tu seras tout de suite guérie.