Page:Mercure de France - 1914-06-16, tome 109, n° 408.djvu/105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toujours la même, comme dans un remous tout tend au point central, vainement lui rappelait-on que c’était chez ; elle l’effet du délire :

— Non, recommençait-il, on me l’a changée !

Il était revenu ; avec les autres ; dans la cuisine, on approcha un banc, il s’y laissa tomber. Il pendait là dans ses habits qui semblaient devenus trop larges. On lut parlait, il ne semblait pas entendre ; on l’appelait, il ne répondait pas. Le gros Hugues Communier s’approcha de lui, et, lui posant la main sur l’épaule :

— Voyons, Joseph, tu n’es pas un homme. Ta femme pourrait avoir besoin de toi.

Il leva vers lui deux yeux vides et sa bouche resta fermée, tandis que simplement il haussait les épaules, comme pour répondre : « Qu’est-ce que j’y peux ? Moi non plus, je ne suis plus rien. »

Le retour n’en fut que plus brusque. Soudain on le vit qui se redressait.

— Écoute, Communier…

Puis avec un effort :

— J’aimerais bien savoir comment la chose s’est passée…

Et Communier fut tout content de voir Joseph reprendre1 goût aux choses :

— Tant que tu voudras, c’est à ton service…

Il se mit à tout raconter.

Il montra comme quoi Héloïse était sortie de chez elle vers les dix heures, qu’elle avait une commission à faire à la boutique, qu’elle s’était arrêtée à causer près de la fontaine, enfin tout ce qu’on a vu ; il continua :

— Pour rentrer elle a pris par la rue de derrière…

À cet endroit, Joseph leva la tête.

— Elle a causé de nouveau avec Julie. C’est tout de suite après que ça s’est passé… Julie a assisté à tout…

Joseph l’interrompit :

— Est-ce qu’elle pourrait montrer la place ?…

— Bien sûr, puisqu’elle a tout vu.

— Et où est-ce que c’était ?

— Juste devant chez le nouveau cordonnier.

Il s’était mis debout ; il dit : « Je savais bien » ; il n’avait plus rien de commun avec le Joseph d’un moment avant. Quel-