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la guerre des mondes

plorai aussi une ou deux maisons silencieuses, mais elles avaient été déjà cambriolées et pillées. J’achevai le reste de la journée en me reposant dans un bouquet d’arbustes, me sentant, dans l’état de faiblesse où j’étais, trop fatigué pour continuer ma route.

Pendant tout ce temps, je n’avais vu aucun être humain, non plus que le moindre signe de la présence des Marsiens. Je rencontrai deux chiens affamés, mais malgré les avances que je leur fis, ils s’enfuirent en faisant un grand détour. Près de Roehampton, j’avais aperçu deux squelettes humains — non pas des cadavres, mais des squelettes entièrement décharnés ; dans le petit bois, auprès de l’endroit où j’étais, je trouvai les os brisés et épars de plusieurs chats et de plusieurs lapins et ceux d’une tête de mouton. Bien qu’il ne restât rien après, j’essayai d’en ronger quelques-uns.

Après le coucher du soleil, je continuai péniblement à avancer au long de la route qui mène à Putney, où le Rayon Ardent avait dû, pour une raison quelconque, faire son œuvre. Au-delà de Roehampton, je recueillis, dans un jardin, des pommes de terre à peine mûres, en quantité suffisante pour apaiser ma faim. De ce jardin, la vue s’étendait sur Putney et sur le fleuve. Sous le crépuscule, l’aspect du paysage était singulièrement désolé : des arbres carbonisés, des ruines lamentables et noircies par les flammes, et, au bas de la colline, le fleuve débordé et les grandes nappes d’eau teintées de rouge par l’herbe extraordinaire. Sur tout cela, le silence s’étendait et, pensant combien rapidement s’était produite cette désolante transformation, je me sentis envahi par une indescriptible terreur.