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sance, affranchi de toute servitude et maître de son domaine spirituel : une explication de l’Univers propre à calmer l’inquiétude métaphysique demeure-t-elle, d’une part, possible ? D’autre part, comment vivre ? Une morale peut-elle être constituée et sur quelles données ?

I

La réponse à ces questions se fonde sur la distinction essentielle établie par la Critique, entre la Connaissance, en tant qu’elle s’appréhende elle-même, et la Connaissance en tant qu’elle appréhende l’Etre. La Connaissance, en tant qu’elle s’appréhende elle-même, se laisse définir en un système de lois qui nous renseignent à la fois sur son mécanisme formel et sur les modes indéfinis selon lesquels elle appréhende l’Etre. Ces lois se livrent dans leur totalité, il est impossible de les concevoir autres qu’elles ne sont, elles se montrent partout en harmonie avec elles-mêmes, elles sont partout identiques. C’est en raison de cette identité universelle et de ce caractère de nécessité qu’on les déclare vraies et que toute science, au cours de laquelle la Connaissance se décrit et s’appréhende elle-même, est dite soumise à un critérium de Vérité.

Il en est autrement de la Connaissance en tant qu’elle appréhende l’Etre et elle prend soin, ainsi qu’on vient de le noter, d’en informer l’esprit au cours de la description qu’elle fait de son mécanisme. On est donc averti que l’Etre ne se révèle à la Connaissance que partiellement, qu’il reste mystérieux, dans ses origines et dans sa fin. Ce qu’il laisse saisir de lui-même, il le divulgue dans la sensation. La sensation est pour la Connaissance la pénombre de laquelle s’élève le monde extérieur avec l’appé-