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L’ENFANT MALADE

restât chaque jour afin de se recueillir et de se fortifier. Un cerveau, c’est bien, pour connaître les maladies, mais un cerveau et un cœur cela suggère les miracles. Vous devinez ce que vous n’aviez pas compris et votre amour, dépassant vos idées, vous guide dans tous les dédales. Isaac Newton découvrit la gravitation, non pas parce qu’il était savant, mais parce qu’il avait une âme poétique.

Les médecins qui parcourent les campagnes avec leur gros sang et leurs idées sereines passent dans les maisons et regardent les maladies comme un conducteur des ponts et chaussées regarde un remblai qu’il faut combler. Les hommes sont de simples matières où l’on exerce son métier. Or la médecine n’est pas une science que l’on applique aux hommes comme celles que l’on applique aux pierres.

Maman s’arrangea donc pour me guérir elle-même.

La vie est une duperie : ce sont les gens maigres qui ne peuvent pas manger. La soupe réconfortante du matin, les haricots et le vin de midi, la soupe encore du soir me donnent des haut-le-cœur et je m’enfuis sur ma petite chaise, dans mon coin, là où l’on ne mange pas. J’aimais pourtant les biscuits qui, trempés dans le vin, fondent avec un goût de sucrerie. Mais ce n’est pas une nourriture, et puis dans nos campagnes saines on ne veut pas dépenser son argent à des biscuits. Maman cherchait quelque aliment réconfortant et qui me tentât comme une friandise. Elle finit par penser au chocolat. Tous les matins, tous les midis et tous les soirs, avec une belle couleur lilas et une odeur chaude, le cho-