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la guerre des mondes

s’obstina à réclamer son George ; mais sa belle-sœur, étonnamment calme et réfléchie, se rangea finalement à l’avis de mon frère. Ils se dirigèrent ainsi vers Barnet, dans l’intention de traverser la grande route du Nord, mon frère conduisant le poney à la main pour le ménager autant que possible.

À mesure que les heures passaient, la chaleur devenait excessive ; sous les pieds, un sable épais et blanchâtre brûlait et aveuglait, de sorte qu’ils n’avançaient que très lentement. Les haies étaient grises de poussière et, comme ils approchaient de Barnet, un murmure tumultueux s’entendait de plus en plus distinctement.

Ils commencèrent à rencontrer plus fréquemment des gens qui, pour la plupart, marchaient les yeux fixes en murmurant de vagues questions, excédés de fatigue et les vêtements sales et en désordre. Un homme en habit de soirée passa près d’eux à pied, les yeux vers le sol. Ils l’entendirent venir, parlant seul et, s’étant retournés, ils l’aperçurent, une main crispée dans ses cheveux et l’autre menaçant d’invisibles ennemis. Son accès de fureur passé, il continua sa route sans lever la tête.

Comme la petite troupe que menait mon frère approchait du carrefour avant d’entrer à Barnet, ils virent s’avancer sur la gauche, à travers champs, une femme ayant un enfant sur les bras et deux autres pendus à ses jupes ; puis un homme passa, vêtu d’habits noirs et sales, un gros bâton dans une main, une petite malle dans l’autre. Au coin du chemin, à l’endroit où, entre des villas, il rejoignait la grand-route, parut une petite voiture traînée par un poney noir écumant, que conduisait un jeune homme blême coiffé d’un chapeau rond, gris