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mercvre de france—xii-1899

qu’il portait sur l’épaule, se retourna et me fit chanceler en me heurtant avec le coin de son fardeau. Une femme me repoussa violemment et se mit à courir. Je me retournai aussi, dans l’élan de la foule, mais la terreur ne m’empêcha pas de réfléchir. Je pensais au terrible Rayon Ardent. Se jeter dans l’eau, voilà ce qu’il fallait faire.

— Tout le monde à l’eau ! criai-je sans être entendu.

Je fis de nouveau face à la rivière et me précipitai, dans la direction du Marsien qui approchait, jusqu’à la rive de sable et entrai dans l’eau. D’autres firent de même. Une barque pleine de gens, revenant vers le bord, chavira presque, au moment où je passais. Les pierres sous mes pieds étaient boueuses et glissantes et le niveau des eaux était si bas que j’avançai pendant plus de cinq mètres avant d’avoir de l’eau jusqu’à la ceinture. L’éclaboussement des gens des bateaux sautant dans l’eau résonnait à mes oreilles comme un tonnerre. On abordait en toute hâte sur les deux rives.

Mais pour le moment les Marsiens ne faisaient pas plus attention aux gens courant de tous côtés qu’un homme qui aurait heurté du pied une fourmilière ne ferait attention à la débandade des fourmis. Quand, à demi suffoqué, je me soulevai hors de l’eau, la tête du Marsien semblait considérer attentivement les batteries qui tiraient encore par-dessus la rivière, et, tout en avançant, il abaissa et éteignit ce qui devait être le générateur du Rayon Ardent.

Un instant après, il avait atteint la rive et, d’une enjambée, à demi traversé le courant ; les articulations de ses pieds d’avant se plièrent en atteignant le bord opposé, mais presque aussitôt, à