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MERCVRE DE FRANCE

collégiens dès qu’ils en ont envie, peur les calmer. Sarcey dirait : « Moi, je veux bien ! » Mais Eugène Morel n’a pas réfléchi qu’en pleurant de la sorte il flairait par nous donner, à nous, une petite démangeaison de mauvais aloi. Toutes les questions savantes du livre sont traitées soigneusement, à part cette gaudriole, et dans la déchéance de son névrosé, s’il y a du parti pris, il y a surtout la connaissance approfondie de la cause. Mais pourquoi l’autre petit Français est-il seulement ébauché quand le névrosé tient une place énorme ? Veut-il prétendre, cet auteur morose, que le névrosé est, en France, le plus abondant des rejetons ? Alors, que conclure, puisque, au point de vue général, le malade est une exception ? En somme, un livre fortement épicé, où toutes les cinq ou six pages des éclairs fusent par-dessus la noirceur du creuset. Un beau livre, sans trame, et solide cependant comme la vie, mais une vie exceptionnellement torturée. J’aime mieux l'ignorance acquise. La Preuve égoïste, par René Ghil (Prix : I fr. 50. Aux Ecrits pour PArt, 47 bis, avenue de Clichy). La Preuve égoïste est le livre III de Dire du Mieux, première partie de l’œuvre de M. René Ghil : Nous n’avons qu’à le signaler, un de nos collaborateurs devant prochainement écrire au Mercure de France de tous les livres parus de M. René Ghil. A. V.

Physiologie de l’amour moderne, fragments posthumes d’un ouvrage de Claude Larcher, recueillis et publiés par Paul Bourget, son exécuteur testamentaire. (Lemerre). Voir plus haut, page 3 : « Des êtres d’un esprit fin ». R. G.

Sous les tentes de Japhet, par Julien Mauvrac (L. Genonceaux). L’histoire de l’antisémitisne contemporain, par un sorcier. Ce livre est un véritable bijou politique. Toutes les facettes mises en lumière et serties de malignes petites couleuvres d’or. De l’érudition et de l’économie sociale (mon Dieu oui) dans l’intérieur d’un boudoir. Un volume qu’un homme d’esprit doit goûter, qu’une femme d’esprit peut comprendre. Entre les lignes, des méchancetés veloutées bonnes à faire pendre l’auteur. A remarquer des citations, merveilleusement choisies et encadrées, de tous nos joyeux députés boulangistes. Livre sans conclusion brutale, par conséquent vrai livre d’artiste. (Un bon point à Gc nonce aux, qui a risqué l’épée de Drumont en éditant cela !) Poèmes et Poètes, par Emile Hinzelin (Perrin et Cie).

M. Emile Hinzelin n’est pas un « moderne », et nul doute qu’il s’en flatte : il y a des abîmes entre lui et nous. Au fond, il est d’un optimisme fort respectable, officiel allais-je dire, mais bien vieillot ; et sa forme, très sage serait d’un poète d’avant le Parnasse et sans les belles hardiesses romantiques. Entre autres poésies honorables : La Dernière Fée, et aussi Le Baiser, où se trouve ce vers : Le baiser de Judas, c’est encore un tasser. A. V.