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Donnez un libre eſſor, grande Reine, à vos cris :
La nature a ſes droits : pleurez, vous êtes mère.
Digne Épouſe, pleurez ce cher & tendre Epoux,
Dont le Ciel fit le cœur ſi reſſemblant au vôtre ;
Et ſouffrez que mes yeux le pleurent avec vous :
Votre douleur, Princeſſe, est aujourd’hui la nôtre.



III

Auprès de ſon tombeau, peuples, venez du moins
Contempler dans ſa mort le-néant de la vie :
Du terme des grandeurs venez être témoins.
Il meurt, comme une roſe à peine épanouie,
Sur les degrés d’un trône où l’appelloit l’amour.
À peine, en s’occupant d’imiter Marc-Aurèle,
De trente-ſix printemps a-t-il vu le retour,
Qu’il eſt enſeveli dans la nuit étenelle.



IV.

Mais ce Héros Chrétien, plus heureux aujourd’hui,
À pour les biens du Ciel quitté ceux de la terre.
Il revole à ſon Dieu qui le créa pour lui :
Son trépas pour nous ſeuls eſt un coup de tonnerre.
Ombre auguſte, ombre chère aux cœurs nés pour le bien,
Du temps qui détruit tout, tu ne crains point L’outrage.