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gement sur le caractère des peuples balkaniques. Une fois de plus, un acte, surtout économique, a failli déchaîner une conflagration étendue. Et cette conflagration, sans doute, ne fût pas restée circonscrite aux vallées du Danube et de la Drina, mais elle eût rapidement gagné de proche en proche, au point de devenir une guerre européenne, aux répercussions illimitées.

Deux grandes puissances encore nourrissent désormais des griefs nouveaux contre l’Autriche-Hongrie : la Russie et l’Italie.

Certes, à entendre M. Isvolski, le ministre des Affaires étrangères de Pétersbourg, la politique gouvernementale russe se contenterait de demander, pour les Slaves du Sud, quelques compensations. L’annexion de la Bosnie ne saurait sérieusement choquer un État qui dépeça jadis la Pologne ; il ne peut réclamer avec vigueur, pour les Serbes des provinces conquises, l’autonomie qu’il refuse lui-même aux Polonais. Mais si M. Isvolski, malgré sa grande jalousie pour M. d’Æhrenthal, a des raisons de se montrer conciliant, s’il ne peut oublier qu’il fut le confident de son collègue autrichien, et que celui-ci, bien avant le 5 octobre, lui notifia ses intentions, il se sait chancelant, menacé depuis des mois. Un formidable courant panslaviste est déchaîné en Russie. Une sorte d’enthousiasme mystique s’y propage en faveur des Serbes et des Monténégrins, et cet enthousiasme mystique n’est plus soufflé par la droite, par le clergé, pour le service de l’Empire et la gloire du Tsarisme, il est l’expression actuelle du révolutionnarisme qui gronde toujours en cherchant sa voie. La jeune Russie n’oublie pas que pendant toute la crise, de 1906 à 1907, le Tsarisme n’a pas eu de meilleur auxiliaire que la maison de Habsbourg. Les événements qui viennent de se produire lui permettent de manifester toute son antipathie pour cette Autriche rétrograde : et c’est le sentiment public qui a creusé le fossé entre Pétersbourg et Vienne. Ainsi se resserre le cercle des hostilités autour du gouvernement de François-Joseph, ou mieux du gouvernement de l’archiduc François-Ferdinand, devenu, dit-on, le grand inspirateur de la diplomatie de M. d’Æhrenthal.

Mais au Midi, l’hostilité italienne répond à l’hostilité russe, et les sentiments qu’on nourrit à Rome sont si conformes à