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ne fera pas fortune, j’ose le prédire. Il faut, au lieu tant de finesse & d’esprit, de la grace, de la naïveté, de la facilité & du bon sens. Tout auteur qui n’a point de naturel, n’aura jamais le suffrage de la multitude.

Un bon style, comme celui de J. J. Rousseau & de l’abbé Raynal, mâle, clair, ferme & simple, est semblable à la baguette de Moyse changée en serpent. Ce style dévore & anéantit tous les styles inférieurs, ainsi que le serpent dévora les couleuvres égyptiennes.

On s’est avisé depuis peu de vanter le style des hommes de cour, comme le style par excellence, & même de le proposer pour modele. Je ne crois pas qu’il puisse jamais subir l’épreuve de l’impression. Il est simple, dira-t-on, d’accord ; mais pourquoi le style des gens de cour est-il simple ? Par une bonne raison, parce qu’il ne s’y montre jamais de passions. Elles ont perdu dans ce pays, non-seulement leur expression, mais jusqu’à leur accent. Tout est uniforme, parce que tout travaille derriere la tapisserie. Il faut paroître