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gue & la renforcer. N’est-il pas déplorable que notre pensée soit toujours au-dessus de notre expression, & que l’instrument qui devroit obéir se trouve rebelle ? Qu’il soit moins poli, qu’il ait plus de mouvement, & il aura plus de justesse. Tant que notre esprit est bon, notre discours est excellent.

Quand vous verrez un auteur obéissant à ce goût conventionnel dont le langage sera affecté & fardé, pensez la même chose de son ame : la parole est le visage du caractere intérieur : n’attendez rien de mâle, ni rien de ferme de cet écrivain maniéré.

J’apperçois la franchise & la probité de Corneille dans son style plein & négligé. Je crois appercevoir dans celui de Racine un homme souple & adroit. Fénelon trempe sa plume dans son cœur, lorsqu’il écrit. Je vois le front ingénu de la Fontaine empreint à chaque vers de ses fables. La précision de la Bruyere m’annonce un caractere ferme & sévere. Le style de Rousseau me révele un homme ardent & passionné. Enfin, je goûte