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JANE.

Comme un pressentiment votre voix me fait peur ;
Je crains de me tromper en croyant au bonheur,
En contemplant la vie ainsi qu’un jour de fête.

HASSAN.

Trop souvent un ciel pur a couvé la tempête.
Ma fille, à vos regards il semble encor serein,
Comme il l’est aujourd’hui le sera-t-il demain ?
Peut-être le malheur vous attend pour victime,
Peut-être il n’est qu’un pas entre vous et l’abîme.
Que de fois…

JANE.

                        Écoutez !… un confus souvenir…
Un songe… (s’il m’avait annoncé l’avenir !…)
Oh ! non… depuis ce temps comme autrefois heureuse,
Rien ne m’a rappelé cette pensée affreuse ;
Mais… qui donc la réveille ?… Elle vient… elle est là…
Je la sens… Attendez… un moment… la voilà.
Jadis, je n’y crus pas, et malgré ma jeunesse,
De m’en épouvanter je n’eus pas la faiblesse.
Ce rêve, cet enfant d’un esprit éperdu,
Ce sombre souvenir je le croyais perdu.
Pourquoi donc maintenant ma mémoire cruelle
Est-elle encore, hélas ! horriblement fidèle ?
C’était quand pour jamais le roi fermant les yeux,
Édouard au tombeau rejoignit ses aïeux.
Je dormais ; je crus voir une antique chapelle…
D’une expirante voix qui tout à coup m’appelle :
Viens, Jane, me dit-on, viens, approche, il est temps,
C’est l’heure ; au rendez-vous, tu tardes bien long-temps.
Dans mon effroi, docile, étonnée et timide,
Je marche en écoutant cet accent qui me guide.