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lit en théâtre et elle en tragédien ; car c’était un rôle d’homme qu’elle jouait dans le moment.

« C’est que je veux faire une tragédie, ma petite maman mignonne ; et, comme je veux la lire moi-même, il faut bien que je m’habitue à déclamer des rôles d’hommes comme des rôles de femmes.

— Et qu’est-ce qui t’a donné l’idée de faire une tragédie, ma bonne petite chatte ? lui dis-je.

— C’est celle du Roi Léar, ma petite maman mignonne ; c’est l’ingratitude de ses deux méchantes filles et mon amitié pour toi qui m’ont décidée à faire une tragédie.

— Conte-moi cela au plus vite, je t’en prie, pendant que ta bonne va faire ton déjeuner, mon cher petit amour.

    ses débuts, et quels auditeurs l’écoutaient. Elle avait rangé dans le paravent qui nous avait dérobées à ses yeux, lorsque nous étions entrées ma bonne et moi, quelques chaises sur lesquelles elle avait placé, d’abord sur celle du milieu, sa fille Marie (sa grande poupée), et, de chaque côté, tous ses autres enfans, c’était la galerie. Plus bas, et en avant, sur un tabouret, se trouvait un petit chat que les nombreux applaudissemens de la foule ne pouvaient tirer de son léthargique sommeil. On sent bien qu’avec de tels spectateurs Élisa n’avait point à craindre les sifflets, aussi jouait-elle avec une assurance extrême. Si l’œil de l’inimitable Téniers eût aperçu cette scène, il ne l’eût peut-être pas trouvée indigne de son savant pinceau.