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Du tombeau pour s’y rendre ils ne sortiront pas :
Chef jaloux, j’ai moi-même égorgé mes soldats !

ALY.

Demain, dits-tu ? grand Dieu ! si ta haine timide
N’eût osé prévenir leur complot parricide,
C’est toi, qui du cercueil où rien n’est entendu ;
Demain à tes soldats n’aurais pas répondu.

BOABDIL.

Moi…

ALY.

            Que dans ta vengeance enfin il te souvienne…

BOABDIL, avec indignation.

Ma vengeance, as-tu dit ? Et si c’était la tienne
Que j’eusse satisfaite en mon affreuse erreur ?
Si, guidant à ton gré ma docile fureur,
Perfide conseiller, dans ta ruse exécrable,
Pour ton intérêt seul tu m’avais fait coupable ?
Si tout était pour toi ?

ALY.

                                          Qui peut d’un tel soupçon ?…

BOABDIL, avec dignité.

Je te l’ai déjà dit, j’ai repris ma raison.
L’horrible vérité que ma douleur redoute,
Dans ce cœur qu’elle accable est déjà plus qu’un doute.
Réponds-moi ! ce rival, dont le bras assassin,
Disais-tu, dut plonger un poignard dans mon sein ;
Quand ses frères sur moi forcenés de vengeance,
S’élançaient, pourquoi donc a-t-il pris ma défense ?
Pourquoi, s’il le voulait, ne m’a-t-il pas frappé ?
Réponds, dans ce moment lui serais-je échappé ?
Bien plus, lorsque d’effroi tout restait immobile,
Lui-même me frapper devenait inutile ;