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J’ai vu les dieux du jour qu’adore le vulgaire,
Traînant comme un fardeau leur puissance éphémère,
Flétris par les soupçons, frères de la grandeur,
Ou lassés de poursuivre un frivole mensonge,
Désenchantés, pleurant au réveil de leur songe,
Demander ce que c’est qu’on appelle bonheur.

Mais qui laisse à ses fils quelque nom sans mémoire
Peut aussi demander ce que c’est que la gloire :
C’est l’oubli du présent, l’attrait du souvenir ;
C’est un aspect des cieux que réfléchit notre âme ;
C’est dans le sein des nuits une magique flamme ;
C’est un regard divin lancé dans l’avenir.

Inutile sans doute aux yeux de l’ignorance,
Laissez-moi cette gloire ; elle est mon existence.
Dans ce noble désir de l’immortalité,
La rouille du repos n’a point rongé mes armes ;
Et, soldat attentif au moindre cri d’alarmes,
J’ai frappé l’ennemi, j’ai vaincu… j’ai chanté !

Du mortel indigent coupable de génie,
C’est, hélas ! au tombeau que le crime s’expie ;
La pierre du cercueil est son premier autel.
Il existe, on l’insulte, il expire, on le pleure ;
Il commence de vivre à cette dernière heure…
Sous la main du trépas il devient immortel.


(Mai 1827.)