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Comprends un seul regard, interprète un silence :
Si mon œil est mouillé que le tien ait des pleurs,
Et jusqu’au jour suprême enchaîne l’existence
              De tes liens de fleurs.

Mêle ta douce plainte aux plaintes de Zéphyre,
Harpe qui sous ma main n’as point encor de voix.
Je prélude, il est temps que ta corde soupire
              Mollement sous mes doigts.

Mais, hélas ! s’éloignant, et sans daigner attendre,
Le monde n’osera se pencher vers tes chants ;
Le vulgaire avilit ce qu’il ne peut comprendre :
              Silence à tes accens.

Que ferait au bonheur ma gloire solitaire ?
J’obtiendrais un souris… qu’offrirait le dédain ;
Et, demandant quelqu’un qui m’aimât sur la terre,
              Je chercherais en vain.

En vain, toujours en vain, funeste incertitude.
Qu’avec toi dans mes vœux souvent je m’égarai !
Ôte-moi le fardeau de mon inquiétude,
              Laisse-moi, j’attendrai !

Sans songer chaque jour à celui qui doit suivre,
Livrons-nous au présent qu’il faut seul écouter,
S’éteindre sans penser qu’on va cesser de vivre,
              C’est peut-être exister ?


(Avril 1827.)