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Élisa, que j’avais l’habitude de coucher le soir sept heures ou à sept heures et demie, et, dans la belle saison, on sait qu’à cette heure-là il fait encore grand jour, ne connaissait de la nuit que le sommeil [1], d’obscurité que celle qui règne dans les lieux où l’on ne peut pratiquer d’ouverture pour livrer passage au jour, ou celle où l’on peut se plonger soi-même en masquant les issues par où le jour pénètre. Élisa était trop jeune pour pouvoir se rappeler les deux années qui avaient précédé celle qu’elle parcourait ; car, quand on ne compte que trois ans et quelques mois d’existence, on ne saurait fouiller bien avant dans le passé ; la vue intellectuelle a si peu d’étendue à cet âge, que l’on ne doit guère voir au-delà du présent. Mais, pour Élisa, qui était née avec un caractère observateur, le présent lui rappelait le passé, sinon bien éloigné, du moins à quelques pas d’elle, et la rendait déjà prévoyante pour l’avenir.

Du moment où Élisa put parler, jusqu’à celui où sa voix a cessé de se faire entendre, elle a eu la passion des contes ; jamais, tant qu’elle fut

  1. Élisa fut toujours si grande dormeuse qu’il ne lui arrivait que bien rarement lorsqu’elle était au lit d’y passer quelques instans sans dormir. Si en se livrant au sommeil, elle avait pu