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Elle a sonné la mort pour l’heure de l’hymen ;
Vierge enfant, quand sa trame au hasard fut coupée,
Elle montait la vie et lui tendait la main. »

Moi, naguère vouée aux troubles des voyages,
Posant à peine un pied sur de mouvans rivages,
Y cueillant à la hâte un fruit rare, une fleur,
Pour prendre un peu d’haleine au relais du malheur,
J’écoutai, quand sa voix, à mon cœur parvenue,
M’apprit le nom charmant d’une sœur inconnue :
Sa voix fraîche et nouvelle, en perçant l’avenir,
Sa voix qui n’avait pas encor de souvenir,
Chantait l’hymne de vie et de gloire trempée,
Où sa tombe précoce était enveloppée.
J’écoutai sur ma route où vibrait cette voix,
Comme un oiseau qui joue et qui pleure à la fois,
Dans les flots de la foule insoucieuse et vaine ;
J’embrassai du regard la muse armoricaine.
Et je n’entrevis pas sa crédule candeur.
Sans plaindre de ses yeux l’ardente profondeur.
On épuisait alors cette vivante lyre ;
Sa misère voilée on la lui faisait lire ;
Car le monde veut tout quand il daigne écouter,
Et quand il a dit : Chante, il faut toujours chanter !

Par d’innocens flatteurs, innocemment déçue,
L’âme se consumait, victime inaperçue ;
Et quand l’oiseau malade à son toit remontait,
Sa tête sous son aile et sans graine… il chantait !
Il chantait d’autres sons pour attendrir la foule,
Cette foule qui cause et qui rit et qui roule ;
En vain les sons mêlés de courage et d’effroi
Disaient toujours : « Je souffre et j’attends, sauvez-moi ! »
Je me pris à l’aimer d’une tendresse amère ;