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de se soustraire. On voyait alors des gens aller dîner en ville le lendemain des funérailles de leur mère, des veuves et des veufs nouer de nouvelles fiançailles avant que le premier mois de leur veuvage fût écoulé. Je n’exagère pas, tout en admettant qu’il s’agit d’exceptions. De même pour l’amitié. D’affreux malheurs pouvaient atteindre les plus intimes et cela ne faisait perdre ni une partie de théâtre ni une course en auto. Il fallait au plus vite chasser les tristes impressions, s’en débarrasser. Les âmes raffinées ne devaient connaître l’excès en rien, pas même dans les regrets.

Était-ce un pressentiment de l’avenir qui donna à nos contemporains cette fièvre incessante de distractions, cette fureur de plaisir ? Devinaient-ils inconsciemment que les heures sinistres allaient sonner ? Ils s’y préparaient mal, en tous cas ; la peur est toujours une mauvaise conseillère et les malheureux ont payé leur insouciance si cher, qu’ils méritent quelque indulgence.