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vent de diviser les Serbo-Croates, les uns appartenant à l’Église d’Orient, les autres à l’Église Romaine, d’autres enfin étant musulmans. Le groupe Slovène, qui n’est qu’un prolongement assez peu différencié du groupe serbo-croate, en est séparé administrativement en Autriche. Les Slovaques, étroitement apparentés aux Tchèques, sont sujets hongrois, tandis que les Tchèques sont sujets autrichiens.

Linguistiquement, il y a en Autriche-Hongrie quatre groupes slaves :

1. Les Tchéco-Slovaques, tout entourés de populations de langue allemande et hongroise, mais qui forment un groupe compact d’environ 9 millions d’individus, et qui aspirent à former un État un.

2. Les Polonais, arbitrairement séparés de leurs frères d’Allemagne et de Russie, et qu’on ne satisfera jamais tant qu’on n’aura pas restauré la Pologne dans son unité.

3. Les Ruthènes ou Petits-Russes, dont la langue ne se distingue pas de celle des Petits-Russes qui font partie de l’empire russe. En Galicie orientale comme en Russie, la noblesse et la bourgeoisie sont en partie de langue polonaise, le fond de la population est petit-russe.

4. Les Slovènes et les Serbo-Croates. Les parlers slovènes diffèrent appréciablement des parlers serbo-croates, et l’on a essayé, au xixe siècle, de constituer une langue littéraire slovène. Mais cette langue n’a pas acquis une grande importance, et les différences entre les parlers Slovènes et les parlers serbo-croates sont trop faibles pour empêcher l’emploi d’une langue littéraire une dans tout le groupe slave méridional.

Ces quatre groupes sont irréductibles les uns aux autres. Malgré les ressemblances que les langues du groupe slave ont gardées entre elles, il s’agit aujourd’hui de quatre langues distinctes. Les trois premières : tchèque, polonais, ruthène, forment une série continue de l’ouest à l’est ; la quatrième, Slovène et serbo-croate, occupe la région méridionale. Entre les deux séries, s’étend tout le long de la vallée du Danube un domaine, allemand à l’ouest, magyar à l’est, qui les sépare. C’est à peine si, sur un point, le slovaque s’approche d’un chapelet de villages serbo-croates. Cette séparation a beaucoup favorisé la tentative d’hégémonie allemande, que favorisait plus encore la division des populations slaves en quatre groupes, en partie mal unifiés.