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et nous révèle l’indice auquel, dans son domaine, on reconnaîtra le progrès aussi infailliblement qu’un biologiste le retrouve dans les organismes par la différenciation.

La coopération, voilà la caractéristique principale de la vie sociale. Si, dans le domaine de la biologie, les êtres plus ou moins individualisés, de la cellule à l’homme, luttent pour l’existence ou pour quelque but égoïste et personnel, sur le terrain sociologique, au contraire, ils unissent leurs efforts en vue d’un intérêt commun. Peu nous importe si, en réalité, la coopération apparaît souvent comme une conséquence nécessaire et logique de la lutte pour l’existence, l’essentiel est que, en même temps, elle soit tout aussi distincte du principe darwinien que l’est la concurrence vitale de la loi plus générale de l’attraction universelle. Qu’une ligue soit offensive ou défensive, les clauses de l’alliance n’en restent pas moins très différentes des règles du combat. La délimitation des domaines de la biologie et de la sociologie n’offre donc pas de difficulté et ne prête à aucune confusion sous le rapport des principes : la biologie étudie, dans le monde végétal et animal, les phénomènes de la lutte pour l’existence ; la sociologie ne s’intéresse qu’à ceux de l’union de forces plus ou moins centralisées, c’est-à-dire de la coopération dans ce même domaine de la nature[1].

  1. Pour plus de détails, voir mon article de la Contemporary Review de Londres, septembre 1886, Evolution and Revolution.