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LA CIVILISATION ET LE GRANDS FLEUVES

venue. La science est forte, le penseur est résolu ; unis l’un à l’autre, ils doivent vaincre la foi. »

Au contraire, la nature des dieux des anciens temps védiques nous ramène à un fétichisme des plus grossiers. Agni, Soma, et, dans la suite, Indra, auxquels l’Arya du haut Pandjab consacre des chants sacrés, « réclament des offrandes, écoutent les invocations, accourent à l’autel où les libations sont préparées ; ils aiment les louanges comme les jeunes gens aiment la voix des jeunes filles ; tels que des cygnes voyageurs, des éperviers ou des buffles, ils se précipitent vers le soma. Accourez, buvez à votre soif, et donnez-nous des richesses et des enfants, ô dieux ! Soyez vainqueurs de nos ennemis ! Aswins unis à Mitra, à Varouna, à Dharna, aux Marouts, arrivez à la voix de votre chantre ! »

La piété de l’Arya est, on le voit, très peu désintéressée. S’il offre louanges et libations à ses divinités, c’est pour obtenir des biens, de la pluie, une postérité nombreuse, la perte de ses ennemis : « Les dieux doivent servir l’Arya comme les buffles et les chevaux… Les chantres n’ont donné la force à Indra que pour qu’il envoie de l’eau ; si dans ses mains ils ont placé la foudre, c’est pour qu’il frappe les Dacyous. » Passage caractéristique, car il reconnaît au poète, au hiérophante d’occasion ou de profession, un pouvoir sur les divinités mêmes. D’ailleurs ce sentiment se retrouve souvent dans le recueil védique : « Les dieux naissent du souffle du chantre inspiré », et, par suite, n’ont d’existence que