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sur les bords du nil

— Ma dahabie est vaste. Qui emmènes-tu ?

— Une femme.

— Tu as acheté une esclave, Effendi ?

— Non, c’est la femme d’un autre.

— Il viendra avec elle ?

— Non…

— Tu lui as donc acheté cette femme ?

— Non, je la lui enlève.

— Allah kérim ! tu crois pouvoir l’enlever sans qu’il le sache ?

— Peut-être.

— Homme, sais-tu ce que tu vas faire ?

— Et quoi ?

— Une tchikarma, un rapt !

— Je le sais.

— Un rapt est puni de mort. Ton esprit s’est donc obscurci ? Ton âme est devenue noire ; tu veux courir à ta perte ? Tu veux commettre le crime ?

— Non, les circonstances expliquent tout. Tu es mon ami, tu sais te taire, je vais te confier mon secret.

— Ouvre la porte de ton cœur, mon fils, je t’écoute. »

Je lui racontai mon aventure dans tous ses détails ; il suivit la narration avec intérêt ; quand j’eus fini, il se leva et me dit :

« Viens, mon fils, prends ta pipe, suis-moi.

— Où donc ?

— Tu vas le voir. »

Je devinai son intention et me levai aussitôt. Il me conduisit chez mon voisin, le fils du marchand de Constantinople. Le domestique était absent ; nous entrâmes, Hassan s’annonça seulement par une légère toux. L’homme qui vint au-devant de nous me semblait fort jeune ; il comptait à peine vingt-six ans. Il était richement vêtu et fumait une pipe magnifique ; son visage me plut ; son abord avait quelque chose de facilement sympathique.

Le vieux Hassan prit aussitôt la parole :

« Je te présente le grand négociant Isla ben Mafleï, de Constantinople, » dit-il ; puis se tournant vers moi, il ajouta ; « Et voici l’Effendi Kara ben Nemsi, mon ami très cher.

— Soyez les bienvenus tous deux, » répondit le jeune homme en nous faisant asseoir et en regardant Hassan, comme s’il eût voulu l’interroger sur cette présentation subite.