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sur les bords du nil

Où avais-je déjà rencontré cet homme ? Je ne m’en souvenais pas, tout en sentant vaguement que ce devait être dans des circonstances peu agréables.

« Salam aléïkoum ! » murmura lentement mon hôte, d’une voix couverte et étouffée par sa longue et magnifique barbe, teinte du plus beau noir.

Cette voix sourde, sans éclat, on pourrait dire sans vie, donnait tout d’abord une espèce de frisson.

« Aléïkoum ! répondis-je.

— Puisse Allah faire couler le parfum sur la trace de tes pas et le miel du bout de tes doigts, afin que mon cœur n’entende plus le gémissement de son chagrin !

— Dieu te donne la paix ! repris-je, et me permette de trouver un remède au poison qui ronge ton bonheur ! » Je n’osais parler de la malade, c’eût été une inconvenance impardonnable chez un musulman.

« J’ai entendu dire que tu es un médecin très habile ; à quelle école as-tu étudié ?

— Je n’ai étudié dans aucune.

— Dans aucune !

— Je ne suis point musulman.

— En vérité ! Quoi donc alors ?

— Nemsi.

— Nemsi ! Oh ! je sais, les Nemsi sont des gens savants ; ils connaissent la pierre philosophale et l’Abracadabra qui chasse la mort. »

Il me regarda fixement dans les yeux une demi-seconde, puis continua :

« Ne dissimule rien devant moi ; je n’ignore pas que les enchanteurs ne parlent point des secrets de leur art, je ne chercherai pas à te les arracher ; je te demande seulement de me venir en aide, et de me dire d’abord comment tu procèdes pour chasser la maladie : par des paroles ou par des talismans ?

— Ni par l’un ni par l’autre ; mais par la médecine.

— Je t’en prie, ne te cache pas de moi ; je crois en ton art, car, quoique tu ne sois pas musulman, l’œuvre de ta main réussit comme si elle était bénie par le Prophète. Tu trouves le mal et tu sais le vaincre.

— Dieu seul est tout-puissant, il peut sauver et perdre, à lui