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sur les bords du nil

— Une grande douleur est venue sur la maison de mon maître ; la couronne de son cœur pâlit au milieu des ombres de la mort ; aucun médecin, aucun fakir, aucun enchanteur, n’a pu faire reculer le mal. Enfin mon maître, qu’Allah réjouisse ! a entendu parler de toi, ta réputation lui est connue, il sait qu’à ta voix la mort s’enfuit ; il m’envoie pour te dire : Viens, enlève la rosée qui flétrit ma fleur, et ma reconnaissance sera douce comme le miel, mon remerciement brillera comme l’or !

— Je ne sais pas où demeure ton maître ; est-ce loin d’ici ?

— Il demeure sur la rive opposée, mais il t’envoie une barque ; dans une heure tu seras près de lui.

— Qui me ramènera ?

— Moi.

— Je te suis ; attends-moi un instant avec Halef. »

Il reprit sa chaussure et se retira pendant que je revêtais mon plus bel habit. Je pris ensuite ma boîte de pharmacie avec de l’aconit, du sulfate, etc. etc., enfin toutes les drogues que peut contenir une caisse de cent numéros. Cinq minutes plus tard, nous étions assis dans la barque, conduite par quatre rameurs. Je songeais, non sans quelque appréhension, à mon rôle de docteur. Quant à maître Halef, il se tenait près de moi plus fier qu’un pacha à trois queues. Il avait garni sa ceinture d’un poignard et de deux pistolets agrémentés d’argent, dont je lui avais fait présent en passant au Caire, Il ne lâchait pas son fouet du Nil, qui lui procurait en ces lieux tant de considération et d’égards.

Assurément la chaleur me paraissait un peu piquante, mais le mouvement de la barque, balancée sur les flots, nous donnait un air doux et rafraîchissant.

Nous longeâmes d’abord une rive tapissée de verdure, au milieu de laquelle s’élevaient les tiges gracieuses du tabac et du séné, puis une grande plaine inculte s’étendit devant nous ; elle n’était égayée que par quelques groupes de mimosas ou de sycomores peu élevés. Enfin se présenta un terrain très vaste sans nulle végétation et tout hérissé de roches, de blocs granitiques dispersés là depuis bien des siècles, au milieu desquels nous aperçûmes un carré d’épaisses et tristes murailles.

Un canal conduisait l’eau du fleuve jusqu’au pied de ces murs, alimentant ainsi la forteresse et la faisant communiquer avec le Nil, qui est le grand chemin de ces contrées.