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une aventure en tunisie

Il se leva et descendit dans la cour ; j’étais persuadé que sa tentative près d’Omar n’amènerait aucun résultat. En effet, le vékil revint peu après avec une figure tout allongée ; on apporta en même temps sur la broche un quartier de mouton préparé par les doigts jaunes du Myrte du désert.

Je m’approchai vaillamment ; Halef accourut, Le vékil me dit qu’Omar mangerait près du prisonnier, ne voulant pas le quitter. Tout à coup un cri perçant nous fit prêter l’oreille.

« Effendina ! balbutiait la voix, au secours ! »

Je me précipitai dehors, Omar renversé se débattait entre les mains des soldats ; l’esclave noir, debout sur le seuil, me dit avec un sourire qui montra ses dents aiguës.

« Il est parti, Sidi ! »

En effet, plus de traces du prisonnier ; je bousculai l’esclave noir et regardai par la porte, Abou el Nasr, monté sur un chameau de course, se sauvait derrière un massif de palmiers. Je compris tout sans peine. Le vékil tenait à ne pas se mettre l’affaire sur les bras, il faisait évader son compère Abou el Nasr. Par son ordre, l’esclave avait amené un chameau frais ; par son ordre aussi les soldats avaient traîtreusement assailli le pauvre Omar. Celui-ci se démenait comme un enragé, frappant à droite et a gauche dans le tas avec son poignard ; le sang ruisselait.

« S’est-il enfui ? me cria le jeune homme lorsque je rentrai dans la cour.

— Oui.

— Où va-t-il ?

— Là-bas, et je lui montrai de la main la direction prise par son ennemi.

— O Effendi, aide-moi, je l’atteindrai !

— Il est monté sur un chameau.

— Qu’importe !

— Tu n’as point de monture !

— Sidi, je trouverai des frères qui me prêteront une noble bête ; ils me donneront des dattes et de l’eau. Avant que la nuit soit tombée je serai sur sa trace, et si tu le veux tu suivras la mienne ; nous nous vengerons ! »

Halef m’aida bientôt à tirer Omar des mains qui le retenaient ; les hommes du vékil, incertains de leur consigne, n’osèrent me résister. Omar s’enfuit comme un éclair.