Je savais que les Arabes ont coutume, dans certaines maladies très dangereuses, d’enterrer le patient jusqu’au cou, prétendant que ce moyen leur rend les forces et la santé ; mais, dans ce cas, les malades ne sont pas liés.
Nous portâmes nos hommes au bord du fleuve, où nous les aspergeâmes à grande eau ; ce rafraîchissement ne tarda point à les ranimer.
« Qui êtes-vous ? leur demandai-je alors.
— Baadri ! »
Baadri… C’est le nom d’un village habité exclusivement par les adorateurs du diable. Je ne m’étais pas trompé.
« Il faut les emmener d’ici.
— Et comment, sir ?
— Je vais retourner le premier en emportant leurs habits, pour aider à tirer la corde de l’autre côté ; puis chacun de vous viendra me rejoindre avec l’un des malheureux.
— Well ! mais ce n’est pas facile.
— Vous les soutiendrez sur l’outre en passant les bras autour d’eux. »
Je roulai les vêtements trouvés dans la hutte, de manière à former un gigantesque turban, puis je me fis remorquer par les Haddedîn, qui durent y mettre toutes leurs forces. Ce fut encore bien pis, quand il fallut tirer deux hommes à la fois ; à nous trois nous dûmes employer toute la vigueur de nos bras. La traversée fut extrêmement périlleuse ; je tremblai pour mes braves Anglais, qui se montraient vraiment héroïques. Enfin tous atteignirent la rive. Lorsqu’on eut repris haleine, j’ordonnai de réhabiller les Yézidis ; nous laissâmes les domestiques anglais à leur garde ; ainsi que les deux Haddedîn, leur recommandant de se cacher dans une touffe d’arbustes. Sir Lindsay devait apporter secrètement de la nourriture ; nous retournâmes ensemble au camp. L’Anglais était tout songeur ; il me demanda :
« Qui donc leur a infligé un si cruel supplice ? qu’en pensez-vous ?
— Belle question ! c’est le cheikh de cette tribu.
— Il faudra faire exécuter ce misérable. »
Notre aventure nous avait pris plus d’une heure ; quand nous arrivâmes au camp, nous vîmes toute la plaine remplie de troupeaux que l’on comptait, qu’on choisissait et qu’on mettait à part