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une bataille au désert

— Ces misérables affamés pourront-ils vous payer un tribut ?

— Ta bouche parle sagement et intelligemment.

— Écoute encore ! si vous leur enlevez leurs vêtements, leurs bijoux, leurs troupeaux, tous leurs biens, vous les forcez à piller et à marauder ; et où voulez-vous qu’ils aillent piller, si ce n’est chez leurs voisins, autrement dit, chez vous ? Ne vaut-il pas mieux avoir pour voisinage des gens à peu près dans leurs affaires, que des affamés qui, d’un moment à l’autre, peuvent se jeter sur vous ?

— Tu as raison.

— Faites-vous donc des tribus vaincues des amies et des tributaires ; n’en faites pas des voleurs et des désespérés.

« Ne leur prenez même pas toutes leurs armes, ni tous leurs chevaux ; gardez-en seulement la meilleure partie, afin qu’ils ne puissent vous nuire. De cette manière vous les tiendrez en votre pouvoir, sans pourtant les réduire aux dernières extrémités.

« J’ai dit.

— Parle encore, Emir ; combien estimes-tu que nous puissions exiger d’eux de têtes de bétail pour être livrées tout de suite ?

— Autant qu’il en faut pour vous dédommager du tort qu’ils vous on fait par leurs maraudes et par cette guerre.

— Et pour le tribut annuel, combien faut-il demander ?

— Evaluez à peu près les richesses de l’adversaire. Envoyez un de vos cheikh les plus sages, afin d’évaluer aussi leurs troupeaux ; demandez-leur assez pour qu’ils ne deviennent pas trop puissants, pas assez pour qu’ils ne se regardent pas comme misérables.

— Mais il reste la dette du sang ; plusieurs des nôtres ont été tués.

— Et aussi plusieurs des leurs. Avant de renvoyer les prisonniers, réunissez les familles des morts et fixez le prix du sang. En calculant bien, vous auriez plus à payer qu’eux, et vous pourrez vous contenter, pour vos morts, du butin qui vous revient aujourd’hui.

— Faut-il les laisser nous apporter l’indemnité de guerre ?

— Non ; allez la chercher vous-mêmes ; les prisonniers resteront ici comme otages, jusqu’à ce que vous ayez ramené les troupeaux qu’on devra vous livrer.

« Je serais d’avis également que vous gardiez quelques chefs des tribus vaincues, afin de vous assurer le payement de votre