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une bataille au désert


nier montait un de nos chevaux, j’en avais fait donner un au Grec blessé ; les autres suivaient à pied. Notre troupe ne marchant pas très vite, nous n’avions point encore atteint l’Oued Deradji, que quatre cavaliers s’avancèrent au-devant de nous. Je reconnus Malek, Mohammed Emin avec les cheikh des Abou Mohammed et des Alabeïde.

« Eslah al Mahem ! tu l’as pris ? me dit Mohammed fort surpris.

— Oui, c’est lui !

— Allah soit loué ! Avez-vous des morts et des blessés ?

— Non.

— Allah s’est montré miséricordieux envers nous ; nous ne comptons que trois morts et onze blessés.

— Et l’ennemi ?

— Ses pertes sont plus grandes ; il se trouvait si étroitement cerné, qu’il ne pouvait bouger ; nos balles portaient à chaque coup. Nos cavaliers ont bien manœuvré, de la manière que tu leur avais enseignée.

— Où sont les prisonniers ?

— Dans l’ouadi ; ils ont mis bas les armes, on les garde étroitement. »

Eslah al Mahem nous rejoignait en cet instant, car je l’avais laissé à quelques pas pour aller au devant de Mohammed. Celui-ci remarqua que mon prisonnier portait ses armes.

« Il m’a promis de ne point chercher à s’enfuir, dis-je : ne sais-tu pas qu’il faut honorer les braves ?

— Mais cet homme voulait nous perdre !

— N’es-tu pas déjà vengé ?

— Tu lui as laissé ses armes, qu’il les garde ; viens ! »

Nous nous avançâmes sur le champ de bataille. Tout y était en mouvement, les guerriers allaient et venaient ; un grand nombre d’entre eux, assis en armes, formaient le cercle autour des cheikh garrottés.

« Veux-tu rester près de moi ? demandai-je à Eslah.

— Ce sont mes alliés, je dois m’asseoir près d’eux, » répondit-il gravement, et il alla rejoindre les prisonniers.

Aucune parole ne fut échangée, seulement les chefs captifs regardèrent le nouveau venu avec surprise ; ils l’avaient cru mort sans doute.