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une bataille au désert


ombre, se détachant lentement d’un pied de rocher, vint à notre rencontre.

« Nazar ! murmura cette ombre.

— C’est moi ! répondit le guide. Où sont-ils ?

— Là-bas ! »

Je m’avançai et me fis reconnaître ; la sentinelle me désigna du doigt un angle formé par le rocher, en me disant tout bas :

« Tu vois ce pan de granit ; ils sont là, derrière.

— Et leurs chevaux ?

— Ils les ont attachés un peu plus bas.

— Restez, ordonnai-je aux deux hommes ; toi, Halef, suis-moi. »

Nous nous mîmes à ramper sur nos genoux jusqu’à ce que nous eussions atteint l’angle désigné, puis nous nous dissimulâmes de notre mieux entre les aspérités de la montagne. Une forte odeur de tabac ne tarda pas à nous être apportée par la brise ; j’entendis les Obeïd causant à demi-voix ; en m’appuyant contre le bord de la pierre, je percevais presque distinctement chaque mot.

« Deux contre six ! disait l’un des espions.

— Oui, reprenait l’autre, le premier était tout en gris, long et mince comme une lance ; il avait comme la moitié du cylindre d’un canon sur la tête, et c’était aussi tout gris.

— Le Cheïtan, sans doute ?

— Je ne crois pas ; c’était plutôt un mauvais esprit inférieur, un djin.

— Et l’autre ?

— L’autre ressemblait au Cheïtan ; mais sous les traits d’un homme il avait un air terrible ; ses yeux lançaient des flammes ; il a étendu la main, et nos six chevaux sont tombés morts tous à la fois ; puis ces deux démons (qu’Allah maudisse !) ont repris les quatre chevaux et se sont enfuis avec eux par les airs.

— En plein jour ?

— Oui, en plein jour.

— Abomination ! que Dieu nous préserve de rencontrer le diable trois fois lapidé ! Et tu crois qu’il est allé au camp des Abou Hamed ?

— Allé, non ; ils l’y ont apporté, les imprudents !

— Comment cela ?