— Tu vois combien ce chef m’est favorable.
— Qu’Allah le récompense en lui donnant une longue vie ! Tu crois qu’iL nous accueillera bien ?
— Oui, je n’en doute pas ; suis-moi. »
Nous nous mîmes en marche vers le camp ; Halef parlait avec son entrain ordinaire.
« Sidi, me disait le brave petit homme, les voies d’Allah sont impénétrables. Je me demandais comment je ferais pour te retrouver, et te voilà venu à moi tout d’abord ; tu es le premier que je rencontre ici ! Comment se fait-il que tu sois chez les Haddedîn ? »
Je lui racontai rapidement les incidents de mon voyage, et je terminai en lui faisant deviner quel titre m’avaient conféré mes nouveaux amis.
« Oui, Halef, lui dis-je, me voici général !
— Général ! Sidi ; ils sont donc en guerre ? Et contre qui ?
— Contre les Obeïd, les Abou Hamed, les Djouari…
— De vrais voleurs tous, Effendi ! Ils habitent entre le Zab et le Tigre ; j’ai beaucoup entendu parler d’eux, mais on ne m’en a jamais rien conté de bon !
— Nous allons les châtier d’importance, Halef, tu verras ; ne me crois-tu pas capable de faire un bon général ?
— Oh ! Sidi, je sais que tu t’entends à tout, que tu n’ignores aucune science ! C’est vraiment bien heureux que tu ne sois plus un giaour.
— Comment dis-tu ?
— Je dis que tu as embrassé la vraie croyance.
— Et quand cela ?
— Tu as été à La Mecque, tu as de l’eau du Zem-Zem sur toi, en sorte que te voilà un excellent musulman. Je t’avais bien dit que tu te convertirais malgré toi !
— Halef, toute l’eau du Zem-Zem ne vaut pas celle de mon baptême ! »
Mais mon petit Halef ne pouvait me comprendre. Nous venions de pénétrer dans le camp ; j’accompagnai le nouveau venu sous la tente du cheikh, où le conseil des chefs était rassemblé.
« Salam aléïkoum ! dit Halef.
Son compagnon répéta le salut consacré ; prenant la parole, je m'adressai solennellement à Mohammed.