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une bataille au désert

— Soit, reprenez votre pierre, nous verrons plus tard. Je suis pressé.

— Mais pourquoi vous ai-je emmené avec moi, sir ?

— C’est bon, emportez toujours votre brique jusqu’à ce que j’aie le temps de m’en occuper.

— Qu’avez-vous à faire ?

— Il faut que j’aille rendre compte de ma mission à ces gens.

— J’irai avec vous.

— D’ailleurs, il est nécessaire que je mange, j’ai une faim de loup.

— Je mangerai avec vous. »

Nous nous assîmes ; on me servit quelques mets apprêtés dans la tente ; mon compagnon m’aida largement à y faire honneur. Je lui demandai, tout en déjeunant, comment il s’était tiré de sa conversation avec les Arabes ; il répondit avec un grand soupir :

<c Oh ! misérablement ! quand je demandais du pain, ils m’apportaient mes bottes. Si je parlais de sel, on me présentait un fusil, et ainsi de suite. C’était agaçant. C’était même effrayant ; je ne vous laisserai plus partir seul. »

Le cheikh arriva bientôt avec les anciens ; on prit du café, on alluma les pipes ; les Arabes attendirent patiemment et en silence que je fusse prêt.

Je commençai ma narration, leur expliquant de mon mieux tout ce que j’avais appris sur les projets de leurs adversaires, le lieu de leur rassemblement, etc. Je leur racontai aussi comment j’avais déterminé le cheikh des Abou Mohammed à les aider par une diversion opérée avec les Alabeïde.

Là-dessus ce furent des cris de joie et un enthousiasme sans pareil. Les braves gens m’étouffèrent presque dans leur reconnaissance. L’histoire de ma chasse au lion sembla beaucoup les émerveiller ; ils n’attaquent jamais ce redoutable fauve pendant la nuit, ni seuls, mais en grandes troupes. Je leur présentai la peau de l’animal. Ils remarquèrent qu’elle n’était pas déchirée : cela les étonnait encore davantage. Quand les Arabes chassent le lion, la peau se trouve ordinairement criblée de trous, à cause du grand nombre de tireurs. Mais ici, ma première balle, ayant porté trop haut, parce que les ténèbres m’empêchaient de viser exactement, n’avait blessé que l’oreille ; la seconde, tirée à trois

Les Pirates de la mer Rouge.
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