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une bataille au désert


peaux : l’aube allait bientôt se lever. Je tâtai ma ceinture pour m’assurer que la boîte à poudre y restait encore, puis je sortis de la tente. Je m’arrêtai d’abord, afin d’accoutumer mes yeux aux ténèbres. Je vis autour de moi des chameaux avec un grand nombre de chèvres rassemblés, tout tremblants, les uns serrés contre les autres ; les chiens, gardiens ordinaires du troupeau, s’étaient enfuis et blottis derrière la tente.

Je me mis à quatre pattes, puis m’avançai en rampant lentement. Je savais que j’atteindrais mieux le fauve par la ruse qu’en cherchant à le rencontrer face à face dans cette obscurité.

Soudain le sol trembla ; un rugissement terrible ébranla tout le camp ; j’entendis comme un corps lourd tombant sur un autre, un gémissement étouffé, le craquement d’os broyés, A vingt pas de moi brillaient les yeux enflammés de l’animal féroce.

Je connaissais bien l’éclat fauve de ces yeux mobiles ! Je m’agenouillai, ajustant mon arme ; je visai aussi exactement que possible dans les ténèbres et tirai.

Un cri épouvantable fit trembler l’air.

La lumière de mon fusil avait montré au lion sa proie. Je le voyais aussi, enfonçant ses dents formidables dans le cou d’un chameau. Ma balle l’avait-elle frappé ? Un objet volumineux bondit en trébuchant et s’affaissa à trois pas devant moi. Les yeux brillaient toujours. Mais la bête avait mal dirigé son attaque ou elle était blessée. Je m’agenouillai de nouveau et tirai un second coup, visant non entre les deux yeux, mais à un œil seulement, puis je saisis mon couteau ; l’animal était si près, qu’il pouvait instantanément se retourner contre moi.

Rien ne bougea. Je rechargeai mon fusil en reculant de quelques pas. Le silence le plus complet régnait partout. Personne ne s’aventurait hors de la tente ; on me croyait bien mort. J’attendis encore quelques instants ; l’aube commençait à se lever. Dès qu’il fît un peu jour, je m’approchai du lion ; il avait été tué au second coup. Je me mis en devoir de le dépouiller ; je tenais à emporter ce trophée. Ma besogne s’avançait, quand le jour vint m’éclairer complètement. Je pris bientôt la peau sanglante sur mes épaules pour retourner vers les tentes.

Le camp des Abou Amed me parut pauvre et peu considérable ; il ne devait abriter qu’une partie de la tribu. C’était un vrai campement de pillards.