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une bataille au désert

Le chef restait indécis. Je repris la parole :

« Cheikh, je devine l’agitation de ton cœur ; eh bien ! regarde, crois-tu qu’un homme se sépare volontiers de ses armes, et surtout d’armes comme celles que je porte ?

— Non, je crois qu’il ne s’en sépare jamais. »

Je me débarrassai de mes armes et les posai à terre.

« Vois, je les mets à tes pieds ; elles seront ma caution, et, si cela ne te suffit pas, mon ami l’Anglais reste près de toi comme otage. »

Le chef sourit ; il semblait rassuré.

« C’est convenu, s’écria-t-il : allons, dix hommes !

— Oui, douze, quinze, si tu veux.

— Ils tireront sur toi ?

— Oui ; s’ils m’atteignent, je ne me plaindrai pas. Choisis tes meilleurs tireurs, tes plus habiles cavaliers.

— Tu es brave à la folie, émir !

— Tu crois ?

— Ils se tiendront derrière toi ?

— Ils peuvent prendre de l’avance, s’ils le préfèrent, et me poursuivre par les flancs.

— Allah kérim ! tu veux donc mourir ?

— Pas du tout ; je demande seulement que, dès que je serai de retour à celte place, la poursuite cesse.

— Certainement. Je vais monter sur ma jument pour être juge de la lutte.

— Permets-moi auparavant d’éprouver le cheval.

— A ton aise. »

Je sautai sur l’animal et sentis tout de suite que je pouvais me fier à lui.

Je descendis alors pour enlever la selle. On eût dit que la noble bête comprenait qu’il s’agissait d’une course extraordinaire. Ses yeux brillaient, sa crinière se dressait, ses pieds si fins s’agitaient comme ceux d’une danseuse qui essaye le parquet du théâtre. J’attachai une corde autour du cou de l’étalon, puis une courroie à un des côtés de la sangle, dont la solidité me parut certaine.

« Tu ne prends pas la selle ? Et pourquoi cette courroie et cette corde ?

— Tu le sauras plus tard. Tes hommes sont-ils prêts ?

— Oui, tu les vois sur leurs chevaux. »