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une bataille au désert

Notre chétif repas terminé, je me levai et dis d’uni ton solennel :

« Tu nous as donné de quoi apaiser notre faim et notre soif, Mohammed Emîn, nous te remercions ; nous vanterons ton hospitalité dans tous les lieux où nous passerons. Adieu ! qu’Allah te bénisse, toi et les tiens ! »

L’Arabe ne s’attendait pas à ce salut d’adieu ; il répondit avec fine sorte de remords :

« Pourquoi partir si vite ? Restez, reposez-vous chez moi.

— Nous voulons partir, car le soleil de ta faveur ne luit point sur nous.

— Vous avez été reçus en paix dans ma tente, vous y êtes en sûreté.

— Le penses-tu ? Je ne me crois point en sûreté dans le beit (tente noire) d’un Arabe de la race des Chammar. »

Le vieillard mit la main sur son coutelas.

« Tu m’offenses ! s’écria-t-il.

— Non, je dis seulement ma pensée. La tente des Chammar n’est sûre pour personne ; et bien moins encore pour celui auquel on n’a point offert l’hospitalité suivant les usages.

— Faut-il te frapper, étranger ? Quand est-ce que les lois de l’hospitalité ont été violées parmi nous ?

— Elles ont été violées non seulement envers des étrangers, mais même envers des hommes de votre race. »

C’était là un reproche terriblement sanglant vis-à-vis d’un Arabe ; mais pourquoi aurais-je ménagé un homme qui venait de nous traiter comme des mendiants et nous nourrir de croûtes sèches ? Je continuai hardiment :

« Non, tu ne me frapperas pas, cheikh, d’abord parce que je te dis la vérité, ensuite parce que je saurais me défendre !

— Prouve-moi que tu as dit vrai !

— Écoute, je vais te raconter une histoire :

« Il y avait une tribu nombreuse et puissante qui se prit de querelle avec une ferka (tribu, clan) plus faible. La grande tribu était gouvernée par un chef valeureux, mais dans le cœur duquel habitaient la malice, et la ruse. Les siens devinrent mécontents de lui et se tournèrent petit à petit vers le sheikh de la ferka ennemie. Le chef l’apprit ; il fit inviter le cheikh à une conférence ; celui-ci ne s’y rendit point. Le chef alors envoya son fils près du