Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/225

Cette page n’a pas encore été corrigée
223
les pirates de la mer rouge

Le petit homme se redressa fièrement à ces mots et s’éloigna. Cependant Malek et ses compagnons s’étaient assis en cercle pour juger Abou Seïf, qu’on avait amené lié au milieu d’eux. Je fus invité à prendre part à la délibération ; je me plaçai près du cheikh.

« Effendi, commença celui-ci, tu prétends avoir le droit principal sur cet homme, et je n’ignore pas que tu dis vrai. Veux-tu nous céder ton droit, ou bien désires-tu traiter de son sort avec nous ?

— Je ne me désiste point. Halef et moi nous avons d’ailleurs notre part de vengeance à exercer sur le prisonnier.

— C’est bien ; déliez cet homme ! »

Le pirate fut délivré de ses liens ; mais il resta à terre sans mouvement.

« Abou Seïf, lève-toi ; réponds-nous ! » ordonna le chef. L’accusé ne bougea point ; ses yeux étaient fermés ; il semblait privé de vie.

« Il a perdu la parole, reprit Malek, pourquoi l’interroger ? Il sait ce qu’il a fait, nous le savons aussi, à quoi bon lui parler ? Il doit mourir ; son corps servira de proie à l’hyène, au chacal, au vautour. Que celui d’entre vous qui a quelque chose à dire parle. »

Tout le monde garda le silence. J’allais prendre la parole pour essayer de faire au moins adoucir la sentence, quand tout à coup lé prisonnier se releva, écarta les deux hommes qui se tenaient à ses côtés et s’élança hors de la caverne.

Ce furent des cris, une rumeur, un mouvement indescriptibles ; toute l’assemblée s’élança sur ses traces, je restai seul. Cet homme était certainement coupable ; suivant la loi du désert, il méritait plus que la mort ; cependant j’étais presque soulagé en le voyant partir : cette exécution sommaire me répugnait.

D’un autre côté, je me disais que s’il parvenait à s’échapper, nous n’étions plus en sûreté dans la caverne. Je ne savais quel parti prendre. J’attendis assez longtemps daus une mortelle inquiétude. Enfin le cheikh rentra ; son âge ne lui permettait point de continuer la chasse du forban.

« Effendi, me demanda-t-il, pourquoi ne cours-tu pas après lui avec les autres ?

— Tes vaillants guerriers suffisent. N’ont-ils pas déjà rejoint le prisonnier ?