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les pirates de la mer rouge

— Ton conseil est bon, Effendi. »

Il se dirigea de côté avec sa troupe : je fis signe à Albani de les suivre, et nous partîmes au grand trot avec Halef. Après avoir fourni une carrière suffisante, nous nous retournâmes et revînmes sur la même ligne que nos Djeheïne. Ceux-ci s’aperçurent qu’ils étaient cernés. Ils hésitèrent. Une seule voie leur restait libre, car ils ne soupçonnaient pas la ruse des Ateïbeh ; ils essayèrent de courir. S’ils s’étaient divisés, ils nous eussent forcés échanger aussi notre tactique ; ils étaient armés ; de bons coureurs, tirant habilement, eussent pu tenir tête à des cavaliers montés sur des chameaux. Ils ne songèrent point à nous séparer, ou peut-être ne se sentirent-ils pas la force de soutenir une pareille lutte.

Ils nous attendirent ensemble ; après avoir couru quelque temps, nous les rejoignîmes tous à la fois.

Je les reconnus sans peine : c’étaient bien des matelots du vaisseau pirate.

« D’où venez-vous ? leur demanda le cheikh.

— De Djeddah.

— Où allez-vous ?

— Au désert chercher des truffes.

— Vous n’avez ni animaux pour les découvrir, ni paniers pour les emporter.

— Nous allons seulement à la découverte ; quand nous aurons trouvé une bonne place nous reviendrons.

— De quelle tribu êtes-vous ?

— Nous habitons la ville. »

Le mensonge était d’autant plus impudent que ces hommes devaient nous reconnaître. Halef, agitant son fouet, ne put maîtriser son impatience ; il leur cria :

« Croyez-vous que cet Effendi et moi nous soyons devenus aveugles ? Brigands ! menteurs ! vous êtes des Djeheïne ; vous appartenez à Abou Seïf. Avouez-le, ou vous tâterez de mon terrible fouet du Nil !

— Que t’importe qui nous sommes ! » reprirent les matelots du vaisseau forban.

Je sautai de mon chameau sans attendre qu’il se fût agenouillé, et, saisissant le fouet de Halef, je fis claquer sa longue lanière en m’écriant :

« N’essayez pas de nous donner le change, ce serait inutile, car