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les pirates de la mer rouge

— Pour surprendre et tuer les Djeheïne ?

— Oui.

— Ma loi ne me permet pas de diriger un guet-apens.

— Comment ! tu ne peux te venger ?

— Non ; notre religion nous commande d’aimer, même nos ennemis. L’autorité seule a droit de punir les coupables ; on n’est pas juge dans sa propre cause.

— Ta religion est douce ; mais nous ne sommes point des chrétiens et nous nous vengeons d’un ennemi, surtout quand il sait acheter les juges chargés de nous défendre. D’après ce que tu m’as dit, j’ai reconnu le lieu, je saurai bien le trouver sans toi. Promets-moi seulement de ne pas avertir les Djeheïne.

— Pour cela, je te le promets de tout mon cœur ; je n’ai point envie de retomber entre leurs mains.

— Bien, nous sommes d’accord ; quand est-ce que Halef ben Omar compte se rendre à la Mecque ?

— Demain, si tu le permets, Sidi, reprit Halef de sa place.

— Demain, si tu veux.

— Laisse ton serviteur au douar, me demanda le chef, nous t’accompagnerons avec lui jusqu’à l’endroit où il nous est permis d’approcher de la ville, puis nous le ramènerons. »

Il me vint une pensée, que j’exprimai aussitôt :

« Me permettriez-vous de rester aussi dans votre camp ? » demandai-je.

Cette proposition parut causer une joie générale.

« Effendi, je vois que tu ne méprises pas les bannis, me dit le vieux cheikh ; sois le bienvenu mille fois ! Tu nous aideras ce soir à conclure l’evlenma (le mariage).

— Il faut d’abord que je retourne en ville, pour mes affaires et pour prévenir mon hôte.

— Je t’accompagnerai jusqu’à la porte de la ville, mais je ne pourrai entrer à Djeddah, car c’est une cité sainte. Quand veux-tu partir ?

— Tout de suite ; je ne tarderai point à revenir ; dois-je te ramener un cadi ou un molla pour les formalités du mariage ?

— Nous n’avons besoin ni de cadi ni de molla. Je suis le cheikh de mon camp, le contrat conclu devant moi a pleine valeur. Apporte-moi seulement du parchemin ou du papier, sur lequel tu écriras l’acte. J’ai ici de la poix et de la cire pour le cachet. »