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les pirates de la mer rouge


désert. Ils tirent juste ; nulle caravane n’est en sûreté quand elle les rencontre. Ils sont des ennemis acharnés des Djeheïne, auxquels appartient Abou Seïf. Mais que nous veut cette femme ?

— Je n’en sais rien.

— Nous verrons ; prépare tes armes, Sidi, je ne me fie point à eux ; ce sont des maudits, des bannis.

— Comment le sais-tu ?

— Écoute : les Bédouins qui habitent ces contrées recueillent les gouttes de la cire des cierges brûlés à la sainte Kaaba, la cendre du bois odoriférant, la poussière du seuil ; ils en font un mélange dont ils se frottent le front ; ces hommes, regarde-les : ils n’ont rien au front, ils ne peuvent entrer à la Mecque ni dans la Kaaba, ils sont maudits.

— Pourquoi les a-t-on maudits ?

— Je ne saurais te le dire, Sidi ; mais ils le sont. »

En ce moment un homme, détaché du groupe que notre conductrice venait de haranguer, s’avança vers nous ; c’était un vieillard ; sa barbe blanche lui donnait un aspect vénérable. Il nous dit :

« Allah bénisse votre arrivée ! Venez, entrez sous nos tentes, vous êtes nos hôtes. »

Cette dernière phrase nous mettait à l’abri de toute attaque et de tout danger parmi eux. Lorsqu’un Arabe a prononcé le mot de misafir (hôte), on peut s’abandonner à lui avec une pleine confiance. Nous descendîmes de nos bêtes, et on nous les conduisit dans une des tentes. Nous prîmes place sur le serir[1] et on nous servit un frugal repas. Tant que nous mangeâmes, nos hôtes gardèrent le silence, puis on nous apporta une sorte de pipe à l’usage des gens de petite classe et dont la seule vue prouvait la simplicité de nos hôtes.

Dans les environs de la Mecque, on se sert de plusieurs sortes de pipes ; la plus précieuse est celle en bois de cèdre. Elle repose ordinairement sur une espèce de trépied d’argent ciselé, et se termine par un long tuyau fort richement orné de diamants ou d’autres pierreries étincelantes. On ne fume dans la pipe de cèdre que le précieux tabac de Chiraz. La pipe du second degré est encore en cèdre, mais plus commune, plus petite et beaucoup

  1. Échafaudage très bas et recouvert d’une natte.