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les pirates de la mer rouge

Nous voguions depuis trois quarts d’heure environ, lorsque nous aperçûmes un canot s’avançant sur la même ligne que nous. Lorsqu’il se rapprocha, nous vîmes deux hommes à bord, et avec eux deux femmes exactement couvertes. Les hommes nous firent signe, on resserra nos voiles pour arrêter la marche ; l’un des deux rameurs nous héla :

« Où va le sambouk ?

— A Tor.

— Voulez-vous nous prendre avec vous ?

— Payerez-vous ?

— Volontiers.

— Montez à bord. »

Les quatre passagers furent bientôt hissés sur le navire ; on attacha leur chaloupe à l’arrière, et le mergi-bachi se hâta de céder sa cabine aux femmes voilées, puis nous continuâmes notre navigation.

En se rendant dans le pavillon, les femmes passèrent près de moi ; je me crus dispensé, en ma qualité d’Européen, de détourner la tête ; je cherchai même, sans y parvenir, à examiner leurs visages. Ce qui m’étonna, c’est qu’au lieu des parfums dont la femme arabe laisse ordinairement l’odeur après elle, je ne sentis qu’une puanteur fort désagréable et bien connue en Orient. C’est un mélange de sueur de chameau et d’une sorte de tabac dont se servent les Bédouins. Les hommes reçus à bord étaient évidemment des conducteurs de chameaux ; eux et leurs femmes venaient sans doute de faire un long trajet dans le désert.

Lorsque les voyageurs eurent été conduits dans le pavillon, les deux hommes allèrent s’expliquer assez longuement avec le capitaine et le pilote, puis l’un d’eux, revenant vers moi, me demanda :

« On m’a dit que tu es un Franc, Effendi ?

— Oui.

— Tu es inconnu ici ?

— Oui.

— Tu es un Nemsi ?

— Oui.

— Les Nemsi ont-ils un padischah ?

— Oui.

— Et des pachas ?