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sur les bords du nil


quelques instants, puis rentra dans son selamlik. Sortant alors de mon bain forcé, je courus à la porte qu’Abrahim venait si gravement d’inspecter et j’en tirai les verrous. Je me trouvai dans le jardin, que je traversai rapidement, et j’ouvris la grande porte d’entrée. J’allais tourner l’angle du mur extérieur pour appeler Isla, lorsque je me rencontrai face à face avec lui.

« Dieu soit loué, Effendi ! murmura-t-il en tremblant ; tu as réussi !

— Oui, mais en luttant avec la mort ! Donne-moi mon habit. »

Mon pantalon et mon gilet dégouttaient d’eau, mais je n’avais pas le temps de m’en occuper ; j’endossai à la hâte mon paletot, qui eût gêné mes mouvements si je l’avais gardé sur le bras.

« J’ai parlé à ta fiancée, repris-je, elle nous sait ici ; suis-moi ! »

Nous entrâmes à la sourdine ; je pris une des perches que j’avais remarquées dans le jardin, et nous pénétrâmes dans la cour. La grille du harem avait été rouverte.

« Sénitza[1], mon étoile ! » criait d’une voix étranglée le pauvre amoureux quand je lui eus montré l’ouverture. Je l’arrêtai.

« Au nom du ciel, silence ! lui dis-je ; ce n’est pas ici le lieu des déclarations. Tais-toi ! laisse-moi faire. »

Je m’approchai, et demandai rapidement à la jeune fille si elle était prête à nous suivre.

« Oui, murmura-t-elle. Aucun escalier ne conduit ici, de ce côté ; mais il y a une échelle derrière le pilier de bois qui soutient le mur, là-bas.

— Bien, bien, je comprends. »

Je courus prendre l’échelle ; mes perches et les cordes qu’Isla avait apportées devenaient inutiles.

Le jeune homme monta presque d’un bond à l’appartement de sa fiancée, tandis que je me glissais jusqu’à la porte du selamlik pour la garder.

Quelques minutes plus tard, Sénitza, soutenue par le jeune négociant, était dans la cour. Ils quittaient à peine le dernier échelon, qu’un mouvement involontaire imprimé à l’échelle la fit chanceler, puis tomber avec bruit.

  1. Zénitza est un mot serbe qui signifie prunelle des yeux.