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sur les bords du nil


tomberions entre ses mains, remarqua le capitaine d’un air soucieux. Une tchikarma (rapt) est punie de mort. Mon ami Kara ben Nemsi, sois prudent, n’agis point sans précaution. »

L’aventure me tentait. Résolu pourtant à ne rien entreprendre sans m’assurer si Mamour avait ou non quelques droits sur cette femme, j’étais, dans le cas contraire, bien décidé à tout braver.

Nous examinâmes l’entreprise sous toutes ses faces, et il était fort tard quand nous nous séparâmes.

Le lendemain, j’allai voir Abou el Réïsan dans son bateau, puis je rentrai pour déjeuner ; je terminais à peine mon repas, que le canot de l’Égyptien me fut signalé par Halef. Celui-ci ne perdait pas de vue la rive, tant il tenait à notre visite chez Abrahim.

« Effendi, je t’accompagne, me dit-il.

— Non ; aujourd’hui je n’ai pas besoin de toi.

— Tu n’as pas besoin de moi ? et s’il t’arrivait quelque accident ?

— Quel accident pourrait-il m’arriver ?

— Si tu tombais à l’eau ?

— Je sais nager.

— Et si Abrahim voulait te tuer ? J’ai bien vu qu’il n’est pas ton ami !

— Mon pauvre Halef, tu ne l’en empêcherais pas…

— Comment, Sidi ! Halef Agha n’est-il pas un homme ? N’as-tu plus confiance en lui ?

— Allons, viens ! »

Halef ne se le fit pas dire deux fois, il tremblait de perdre son bakhchich[1].

La route se fit sans accident ; j’examinais les moindres détails pour les faire servir à mon projet. Je remarquai, dans le jardin, de longues et solides perches gisant à terre. La porte d’entrée se fermait, à l’intérieur, par un fort verrou en bois. Je ne vis de chien de garde nulle part ; les rameurs du canot nous apprirent que le vieux château n’était habité que par Mamour, deux femmes et une douzaine de fellahs.

Lorsque j’entrai dans le selamlik, Abrahim me reçut d’un air amical et s’écria :

« Sois le bienvenu, Effendi ! tu es un grand médecin !

  1. Bakhchich, pourboire.