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MAURICE JOLY


Je suis né dans les premières années du règne de Louis-Philippe, à Lons-le-Saulnier. Ma mère (Florentine Corbara), d’origine italienne, est alliée aux meilleures familles de Bastia.

Je ne fais pas une histoire assez longue pour avoir le temps de dire de quelle admirable mère j’ai le bonheur d’être le fils.

Mon grand-père, issu d’une famille de Saint-Laurent-Laroche alliée aux Lorencin et aux Saint-Léger, est resté dans le souvenir de ceux qui l’ont connu comme un des types de la plus rare énergie, doublé de la plus franche originalité. Savant érudit, batailleur, intraitable dans ses convictions, et cependant homme de la meilleure compagnie, il fut, en 1813, destitué d’une grosse fonction[1] qu’il occupait pour avoir publié au moment de nos désastres une ode vengeresse dont je ne me suis jamais rappelé que cette strophe :


Quel épouvantable silence
Règne sur ma patrie en deuil !
La tyrannie et la démence
En ont fait un vaste cercueil !…


Il niait formellement le génie de Napoléon Ier, et motivait son opinion par les raisons les plus vives, mais qui faisaient sourire alors. — C’est un grand homme, pourtant, lui disait-on. — Un grand brigand ! répétait-il toujours du ton le plus inflexible, et j’avoue que

  1. Payeur général de la Corse. Il s’appelait Laurent Courtois. — Mon père, Philippe-Lambert Joly, né à Dieppe, jouissant d’une honnête aisance, connu par ses opinions avancées et son désintéressement, a été pendant près de dix ans, sous Louis-Philippe, conseiller général du Jura.