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YVETTE.

— Yvette !

— Eh bien, quoi ?

— C’est que je vous aime, moi.

— Vous n’êtes pas sérieux. Muscade.

— Mais oui : voilà longtemps que je vous aime.

Elle tentait toujours de se séparer de lui, s’efforçant de retirer son bras écrasé entre leurs deux poitrines. Et ils marchaient avec peine, gênés par ce lien et par ces mouvements, zigzaguant comme des gens gris.

Il ne savait plus que lui dire, sentant bien qu’on ne parle pas à une jeune fille comme à une femme, troublé, cherchant ce qu’il devait faire, se demandant si elle consentait ou si elle ne comprenait pas, et se courbaturant l’esprit pour trouver les paroles tendres, justes, décisives qu’il fallait.

Il répétait de seconde en seconde :

— Yvette ! Dites, Yvette !

Puis, brusquement, à tout hasard, il lui jeta un baiser sur la joue. Elle fit un petit mouvement d’écart, et, d’un air fâché :

— Oh ! que vous êtes ridicule. Allez-vous me laisser tranquille ?

Le ton de sa voix ne révélait point ce qu’elle pensait, ce qu’elle voulait ; et, ne la voyant