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YVETTE.

çon de moustache, plus sombre quand elle parlait. Elle sentait bon, une odeur forte, grisante, quelque parfum d’Amérique ou des Indes.

D’autres personnes entraient, marquis, comtes ou princes. Elle dit à Servigny, avec une gracieuseté de mère :

— Vous trouverez ma fille dans l’autre salon. Amusez-vous, messieurs, la maison vous appartient.

Et elle les quitta pour aller aux derniers venus, en jetant à Saval ce coup d’œil souriant et fuyant qu’ont les femmes pour faire comprendre qu’on leur a plu.

Servigny saisit le bras de son ami.

— Je vais te piloter, dit-il. Ici, dans le salon où nous sommes, les femmes, c’est le temple de la Chair, fraîche ou non. Objets d’occasion valant le neuf, et même mieux, cotés cher, à prendre à bail. À gauche, le jeu. C’est le temple de l’Argent. Tu connais ça. Au fond, on danse, c’est le temple de l’Innocence, le sanctuaire, le marché aux jeunes filles. C’est là qu’on expose, sous tous les rapports, les produits de ces dames. On consentirait même à des unions léogitimes ! C’est l’avenir, l’espérance… de nos nuits.