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YVETTE.

nés et grandis sur le boulevard, infatigable bien qu’il eût toujours l’air exténué, vigoureux bien que pâle, un de ces minces Parisiens en qui le gymnase, l’escrime, les douches et l’étuve ont mis une force nerveuse et factice. Il était connu par ses noces autant que par son esprit, par sa fortune, par ses relations, par cette sociabilité, cette amabilité, cette galanterie mondaine, spéciales à certains hommes.

Vrai Parisien, d’ailleurs, léger, sceptique, changeant, entraînable, énergique et irrésolu, capable de tout et de rien, égoïste par principe et généreux par élans, il mangeait ses rentes avec modération et s’amusait avec hygiène. Indifférent et passionné, il se laissait aller et se reprenait sans cesse, combattu par des instincts contraires et cédant à tous pour obéir, en définitive, à sa raison de viveur dégourdi dont la logique de girouette consistait à suivre le vent et à tirer profit des circonstances sans prendre la peine de les faire naître.

Son compagnon Léon Saval, riche aussi, était un de ces superbes colosses qui font se retourner les femmes dans les rues. Il donnait l’idée d’un monument fait homme, d’un type